L’exclusion de l’Afrique de la mondialisation est un cliché qui n’a plus de fondement, même si sa part dans le commerce mondial peine toujours à dépasser 5 %. On parle aujourd’hui d’une nouvelle attractivité de l’Afrique. Telle est la démonstration de l’ouvrage, piloté par trois spécialistes de l’Association Tiers-Monde associés à la revue Mondes en développement et organisé autour de quatre thèmes : les dynamiques d’intégration Asie-Afrique ; les matières premières, l’industrialisation et la mondialisation ; l’Afrique et les coopérations européennes ; les enjeux des migrations africaines.
Quels résultats saillants retenir ? Les exportations africaines sont primaires à près de 80 % (agriculture, forêt, mines, pétrole). Celles de biens manufacturés sont encore marginales et de produits de haute technologie résiduelles. Pour un cinquième des pays, un ou deux produits comptent pour au moins trois quarts du total des exportations. Les cas de spécialisation ayant débouché sur une accumulation de capital sont rares : Maurice à partir du sucre, le Botswana à partir du diamant. Seuls le Maghreb et l’Afrique du Sud disposent d’une structure du commerce extérieur plus équilibrée, accordant moins de place aux exportations de produits bruts. Dans l’ensemble, le secteur minier représente encore souvent les deux tiers des recettes en devises, comme l’uranium dans le cas du Niger et l’or dans celui du Mali, deux situations débouchant sur des constats opposés : une rente uranifère mal utilisée avec des effets pervers sur l’agriculture et l’élevage ; une rente aurifère qui, quand elle transite par le canal public, peut être facteur de diversification.
La valorisation des échanges Sud-Sud apparaît comme un tremplin efficace selon Diadé Diaw, Arsène Rieber et Thi Anh-Dao Tran. L’intervention croissante des émergents dans le commerce africain modifie la donne car ils apportent des biens d’équipement à bas prix. Les spécialisations sont de plus en plus fonctionnelles, fondées sur les efficacités relatives dans la réalisation de tâches particulières à différentes étapes de la chaîne de valeur mondiale, comme le montre Nez Khalla dans une étude de la sous-traitance dans le secteur textile-habillement marocain. La fluidité introduite par les nouvelles technologies de l’information et la baisse des coûts de transport exerce un rôle important dans ce processus où la position géographique a de moins en moins d’importance. Dans ce contexte, la contrainte du positionnement économique de l’Afrique tient dans la nécessité de disposer d’une masse critique en ressources humaines et technologiques que peu de pays possèdent.
La question du protectionnisme est indirectement posée par Jean-Claude Maswana, qui analyse l’influence des comptes extérieurs des États-Unis sur la croissance de cinq pays africains. La conclusion est plus générale : le commerce international peut assurément stimuler la croissance du continent mais, handicapés par une forte élasticité-revenu de leurs importations, de nombreux pays subiront les incidences des politiques de stabilisation post-crise de 2008 des pays du Nord. L’article de Léonard Matala-Tala, très détaillé, montre que les accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne (UE) et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) s’inscrivent dans une coopération qui a perdu de sa substance. À l’avenir, tout dépendra de la qualité du dialogue politique, mais l’UE, condescendante et inflexible, n’a pas jusqu’à présent démontré une grande capacité d’écoute. Le pronostic est, selon Bernadette Nicot et Myriam Morer, plus optimiste en ce qui concerne l’impact du processus de Barcelone et l’avenir des échanges énergétiques entre les régions euro-méditerranéennes.
La question fondamentale reste néanmoins de savoir comment engager une politique commerciale. L’arbitrage a toujours été difficile entre ouverture sans restriction à la concurrence et construction d’une base productive nationale. La libéralisation s’est certes imposée depuis les années 1990, mais la « déprotection » a fait naître de nouvelles désillusions. Et certaines réformes appliquées sans discernement ont abouti à des désastres. Dans le contexte africain, il est ainsi légitime de plaider pour une protection « équitable et raisonnée ». On peut regretter qu’une telle proposition ne soit pas véritablement évoquée en synthèse des 12 articles, certes de qualité mais manquant d’unité pour s’ouvrir sur des politiques concrètes.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.